vendredi 27 novembre 2020

Sois forte et tais toi !

... et assume ! Après tout, tu l'as bien voulu ! 

Cette phrase, je l'ai tellement entendue, qu'elle soit réellement prononcée ou pensée si fort qu'elle nous crève malgré tout les tympans. Mais d'autres femmes l'ont aussi entendu. D'autres individus. Ces mots viennent d'une société que je trouve de plus en plus maltraitante et de moins en moins bienveillante. 

Credit Photo (Creative Commons) : EliasSch

On a tous - ou presque - dans notre entourage, quelqu'un d'assez fou pour préparer un marathon. Tu sais, c'est l'épreuve sportive où il est question de courir plus de 40km avec le sourire ! Et donc face à cet individu bizarre, mais déterminé, on va souhaiter bon courage, bonne chance, on va l'encourager, le soutenir. On va même crier quand il passera la ligne d'arrivée, lui remettre une médaille. Et s'il se blesse en cours d'épreuve, s'il abandonne, on sera compatissant, bienveillant, on lui dira "c'est pas grave, tu as donné le meilleur de toi, l'important c'est d'être allé au bout de tes limites", et on lui fera même un câlin et on lui dira qu'il réussira le prochain marathon auquel il participera, car maintenant, il sait à quoi s'attendre ! 

Et pourtant... A la femme qui fait des choix, on ne tient pas ce discours bienveillant et encourageant. A la femme qui va décider de sortir de la ligne déjà tracée par ce que la société lui dicte depuis des années, des générations, on ne lui dira pas "c'est pas grave"si elle change d'avis, si elle n'y arrive pas. On lui dira : "je te l'avais bien dit que tu allais échouer". Oui, car dans cette société, renoncer, arrêter, changer d'avis... c'est forcément un échec. 

Credit Photo (Creative Commons) :Prawny

Ainsi, la femme qui choisira d'accoucher physiologiquement, on ne lui dira pas que c'est super, qu'elle va y arriver. On ne l'encouragera pas avec une banderole "on croit en toi". On ne l'applaudira pas quand elle aura dépassé la phase de désespérance et franchi la ligne d'arrivée, celle où elle accueillera son tout petit dans le creux de ses bras. Et si en plus, elle se "blesse" comme le marathonien, qu'elle abandonne la course en demandant une péridurale, par exemple, on ne lui dira pas "bravo, tu es allée au bout de tes limites et de tes choix". Non, on lui dira "on te l'avait bien dit que tu n'y arriverais pas !". Cette phrase, je l'ai personnellement entendu en amont de l'accouchement de mon premier enfant, quand j'ai rencontré l'anesthésiste. Ce rendez-vous est obligatoire même dans le cadre d'un projet d'accouchement physiologique pour justement, prévenir, un changement de cap. Ce jour là, je me suis sentie tellement peu soutenue, et rabaissée, quand il m'a dit, à la fin de l'entretien, qu'on se reverrait sûrement bientôt car j'allais sûrement finir par réclamer la péridurale. J'ai gardé cette phrase négative en moi jusqu'à l'accouchement de l'Elu. J'en veux toujours terriblement à cet anesthésiste sans aucune bienveillance et empathie. 

A la femme qui choisira d'allaiter, quand celle-ci, fatiguée d'avoir donné le sein à son enfant toute la nuit, suite à un pic de croissance, on lui balancera en pleine figure, à elle aussi, qu'elle l'a bien voulu, cette situation. Qu'elle n'a qu'à être forte et se taire. Et puis, allaiter, c'est naturel, elle n'a pas besoin d'aide ! 

A la femme qui fera le choix de ne pas travailler après la naissance de son enfant, pour une durée de deux mois, six mois, trois ans, toute la vie... mais qui osera dire que c'est difficile de "rester à la maison", que financièrement, c'est dur et que donc elle ne pourra pas mettre 50€ dans le cadeau d'anniversaire de Tartenpion car elle va garder cet argent pour nourrir sa famille, à elle aussi, on lui rétorquera qu'elle l'a choisi, qu'elle doit assumer maintenant et qu'en plus, elle est radine ! On pourra parfois même rajouter la petite phrase bonus qui est offerte, à savoir que comme elle ne travaille pas, elle, il serait vraiment bien vu que la maison soit bien tenue et qu'elle ne demande pas (trop) l'aide de son mari, qui se tue à la tâche pour permettre à sa femme d'être en "congé" parental. 

Aux parents qui feront le choix d'avoir des enfants d'âges rapprochés, et qui se plaindront de ne pas assez dormir la nuit, d'être fatigués ou toute autre option montrant l'épuisant et surtout le besoin d'aide, on ne proposera pas de venir les relayer la nuit, de les soulager en faisant un repas, de les aider en leur offrant leurs services de baby sitting - gratuitement - pour qu'ils aillent se faire un repas en amoureux. Ils l'ont voulu, ils les ont eu, qu'ils assument ! 

Je pourrais multiplier les exemples mais je préfère laisser des points de suspensions car les situations sont très nombreuses. Je pense que beaucoup de monde se reconnaîtra dans une de ces femmes, un de ces parents... Car malheureusement, personne n'y échappe. J'ai mis en avant ici certains de mes choix de vie, mais j'aurai pu aussi citer la mère qui décide de ne pas allaiter ou celle qui reprend le boulot aux 2 mois 1/2 de son enfant et qui au lieu d'être réconfortée et encouragée se fait limite qualifiée de mauvaise mère qui préfère sa carrière à sa famille. 

Et ce qui me choque et m'insupporte le plus, c'est que ces phrases, ce fameux "sois forte, tais toi et assume", viens très souvent de nos paires. Nous sommes le plus souvent jugé.e.s et non soutenu.e.s par d'autres femmes, d'autres mères, qui ont elles aussi, pourtant, fait des choix tout au long de leur vie, éclairés ou pas, assumés ou pas. Et qui, aujourd'hui, sont les premières à blesser d'autres femmes avec des propos décourageants et assassins. A croire que les choix dérangent et font peur, à ceux qui n'ont pas fait les mêmes que nous. A croire que ne pas suivre le chemin tout tracé et imposé par notre société fais de nous des individus à surveiller au moindre faux pas, à la moindre plainte. Mais aussi à croire que faire un choix signifie forcément être contre l'autre. 

J'aimerais tellement être entourée de bienveillance, d'encouragements, de non-jugements. J'aimerais tellement entendre "tu peux être fière de toi, de tes choix" au lieu de "sois forte et tais toi !". 

Ce sujet d'article me trottait dans la tête depuis un moment, et il s'est concrétisé après qu'une femme m'ait envoyé dans les dents, en plein post-partum de mon deuxième enfant, après que lui avoir dit que cette deuxième grossesse m'avait littéralement épuisée physiquement, que je l'avais voulu, que je n'étais pas la seule femme à avoir eu des enfants, et que je devais assumer. Cette personne ne s'est certainement pas rendu compte à quel point son propos a été violent pour moi. Je l'ai pris en pleine face, alors encore fragilisée par mes deux grossesses et ma maternité, que j'ai certes voulu, que j'adore, mais qui m'épuise aussi. Je l'ai d'autant plus mal vécu que c'était une des premières fois que j'osais enfin mettre des mots sur ma fatigue et la difficulté physique de ma deuxième grossesse... et que ça venait d'une autre femme, d'une autre mère... Sois forte et tais toi. 

7 commentaires:

  1. superbe article et très bonne comparaison, c'est révélateur.
    alors, de la part d'une inconnue et sur internet c'est moins bien, mais je vais vous dire quand meme: vous pouvez etre fiere de vos choix, et meme si vous l'avez choisi, on peut quand meme douter ou trouver certaines choses tres difficiles... et meme des fois changer d'avis, et ca ne veut pas dire que les choix n'etaient pas bons au depart!

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  2. J'ai choisi en son temps les mêmes options que toi, vécu les mêmes expériences traumatisantes, les mots qui font mal... alors je te dis bravo, tu as fait le bon choix, tu peux être fière de toi, et si la fatigue pointe le bout de son nez prends soin de toi, autant que possible.

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  3. Ces mots sont tellement vrais ...
    Je te serre virtuellement dans mes bras !

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  4. C'est un très bel article. D'une part parce qu'il est vrai et d'autre part parce qu'il est courageux.

    On ne me l'a jamais dit clairement, mais j'ai souvent été confrontée à ce genre de jugement. Quand Zhom a trouvé un emploi à l'étranger et que nous avons malgré tout choisi de fonder une famille, loin de nos familles, on s'est surtout entendu dire que ça allait être difficile. Des encouragements, des mots de soutien, je n'ai pas souvenir d'en avoir entendu souvent. Par contre, des remarques du genre "ça serait plus facile si vous étiez moins", oui, ça j'y ai eu droit ! Lors de nos passages en France pour visiter nos famille, je n'ai jamais entendu non plus le moindre commentaire du genre "mais tu dois être fatiguée, t'inquiète pas, cette semaine, on s'occupe des enfants, toi, tu te reposes." Bien au contraire, même, lorsque je suis là-bas, on me fait bien sentir que c'est l'occasion d'aider un peu (cuisine, vaisselle, ménage...)

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  5. Rebecca Greenberg28 novembre 2020 à 17:14

    Bouche toi les oreilles, et évite les personnes toxiques, tu es une femme merveilleuse et tout ce que tu ressens est absolument NORMAL. Et c'est une maman de 7 enfants qui t'écrit !! Des coups au moral et des périodes d'épuisement, j'en ai eus, des regards de jugement également, des mots cruels aussi... Les gens sont bêtes et méchants. Bon courage, je sais a quel point certaines périodes peuvent être dures (après le 2e naissance, je ne suis pas passée loin de la dépression - et pourtant, je n'ai jamais regretté mes choix), mais comme tu dis, on fait de son mieux et l'Amour panse toutes les blessures. Le temps aide aussi, tu verras, tout passe... Le meilleur reste à venir, ma belle. :) ❤️

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  6. Je suis tout à fait d'accord avec toi.. c'est comme si les gens prenaient nos choix de manière personelle, comme une attaque "contre eux", juste parce qu'on a décidé de tenter quelque chose de différent.. c'est si triste qu'il n'y ait pas plus de bienveillance et de soutien aux jeunes parents..

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  7. effectivement on se prend ce genre de réflexion au moins une fois dans sa vie, que ce soit direct ou indirect...
    Mon choix d'être mère au foyer à 100 % est très souvent mal vu et mal jugée, je n'ose donc plus rien dire quand quelque chose ne va pas ou que je suis un peu fatiguée....
    le corps médical est le premier à nous juger... tu aurais vu la tête de la sage femme quand j'ai dit que je voulais essayer de ne pas prendre la péridurale... aucun soutien, un gros haussement d'épaule et j'ai entendu cette pensée: quelle sotte celle là"

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