Déjà en formation, j’aimais lire les dossiers de pratiques
professionnelles et les mémoires de mes collègues de promo, et sans prétention
aucune, je leur donnais quelques conseils.
J’avais toujours dit que lorsque je serai professionnelle,
je m’investirai dans la formation des futurs professionnels. Nous avons la
chance d’avoir un métier riche et intéressant, mais pour devenir un bon
travailleur social, il faut une bonne formation. Pour ma part, j’ai été
chanceuse car j’ai eu 5 formatrices terrain exceptionnelles, qui m’ont fait
découvrir mon métier, ont partagé leur savoir-faire et leur expérience. C’est
grâce à elles que je suis la professionnelle que je suis aujourd’hui.
C’est donc naturellement que je me suis tournée vers
l’accueil de stagiaires. J’ai d’abord voulu prendre une étudiante de première
année, au départ, histoire d’apprendre moi aussi le rôle de tutrice de stage.
Et puis, en première année, le stage est court, 2 mois, ça me permet aussi de
ne pas trop être prise par ce tutorat afin de ne pas négliger mes patients.
L’expérience m’a tellement plu que j’ai accueilli 3 étudiantes de 1ère
année, qui se sont succédé. Là aussi, les étudiantes passent et ne se
ressemblent pas. C’est très enrichissant pour moi aussi, de former les futurs
assistantes sociales, ça permet de prendre du recul sur sa pratique, de se
mettre à jour sur certains sujets. Mais c’est aussi très fatigant, surtout
quand l’étudiante n’est pas à la hauteur du niveau attendu. Et puis, il faut
l’avouer, je travaille dans deux services hospitaliers très difficiles :
l’hématologie avec des accompagnements au long cours de personnes âgées de 18 à
98 ans, touchées par une maladie grave et souvent mortelles … et la néonatalogie
avec des enfants nés prématurés et/ou malades, en situation de fragilité et de
vulnérabilité extrêmes avec des parents parfois perdus, parfois malveillants,
parfois absents … Bref, c’est pour cela qu’à la rentrée, j’ai décidé de prendre
une étudiante de 3ème année avec plus de maturité professionnelle.
Ce qui me bottait aussi, c’était d’être jury pour le
diplôme. Mais avant cela, je me suis faite la main en étant membre du jury
blanc des écoles … Et là, j’ai découvert une autre passion : celle de la
guidance. Aider et conseiller un étudiant, le faire réfléchir et cheminer …
Voilà ce que j’aime faire. C’est d’ailleurs par la suite une évolution de
carrière que j’aimerais faire … devenir formatrice.
Et puis le grand jour est arrivé. Cette fois, j’étais de
l’autre côté du bureau, à la place du professionnel membre du jury. J’étais
celle qui avait lu et relu les dossiers, celle qui interrogeait, celle qui
questionnait, celle qui notait. La lecture des 5 dossiers a été longue car j’ai
voulu faire les choses correctement et avec beaucoup d’investissement. Je me
suis lancée dans la notation, et là j’ai été en difficulté. Une note, c’est
rien et tout à la fois. Une note, c’est décisif … J’ai compté et recompté, pesé
le pour et le contre, et j’ai écrit la note à l’encre indélébile. Avec le
co-jury, une formatrice (pour l’anecdote … ma formatrice école … la boucle est
bouclée) on a échangé, on a débattu, on a négocié, on a évalué et on a noté les
écrits. Presque fraîches et dispo à recevoir les étudiantes pour leur
soutenance. Peu de surprise durant ces oraux. Les très bons dossiers sont
restés très bons, voire meilleurs, les dossiers catastrophiques sont restés
comme tels … Seul un dossier moyen nous a déçu … et a donc reçu une note
inférieure à celle de l’écrit, nous menant à un bilan que j’ai trouvé bien
alarmant : nous avons accordé le diplôme d’état à seulement 2 étudiantes
sur 5.
Je suis effarée de voir à quel point le niveau de certaines
étudiantes est catastrophique. Comment peut-on arriver à la fin de la formation
et présenter de tels écrits, avoir une telle analyse du travail social ?
Le rôle des écoles y est pour beaucoup. On cherche à faire du fric, on accepte
de plus en plus d’étudiants, on baisse le niveau, on ferme les yeux … Sauf que
demain, ces étudiants seront professionnels, livrés à eux-mêmes, seuls, face à
des êtres humains en difficultés … C’est à la fois dangereux pour eux et pour
le professionnel. Je suis inquiète de voir cette nouvelle génération débouler
sur le terrain. Bien sûr, tous ne sont pas en difficultés, mais nous avons déjà
un métier difficile, alors il serait bon de ne pas rajouter des obstacles
supplémentaires. Ce qu’il manque à cette génération, c’est de l’analyse, des
connaissances et de la pertinence.
Etre assistante de service social ne s’improvise pas. Nous
ne sommes pas des nanas en tailleur stricte, chignon, qui venons retirer les
enfants à leurs parents, et qui apportons des aides financières à tout bouts de
bras, à tous ceux que la société marginalise sous le nom de « cas
soc’ ». Nous sommes des experts dans notre spécialité, c’est-à-dire
experts dans la globalité. On accompagne de l’humain. Certes, on a encore un
peu foi en l’humanité, un zeste de naïveté, mais on est surtout là pour veiller
au grain, pour veiller à ce que notre société ne soit pas plus malade qu’elle
ne l’est déjà … Parce que tant que la société ne tournera pas rond, il y aura
encore et toujours des guerres et des fous qui tueront au nom de …
Cette année, j’ai été jury pour le DEASS et je le serai encore
pour d’autres sessions. Parce que je continue de croire en notre métier et que
j’espère pouvoir accompagner et guider des étudiants comme je l’ai été il y a 6
ans en arrière.
bravo pour ton investissement ! Pour ton constat de baisse de niveau malheureusement tu peux pas mettre plus de 30 enfants dans une classe, vouloir amener plus de 80 % d'une classe d'âge au bac et espérer garder un niveau très haut ! Quant au travail de réflexion et de recul je ne veux pas être pessimiste mais on en est quand même arrivé à ce que la télé te dise ce qu'il faut penser/manger/regarder, Ta montre combien de pas tu dois marcher, ton assurance maladie la façon dont tu dois vivre etc... on demande de plus en plus d'agir et de moins en moins de réfléchir
RépondreSupprimerholalala mais je suis une vieille aigrie ce matin moi ( en même temps je suis devant BFM tv, sans café ( c'est Georges qui m'a dit que je dois boire un Volluto tous les matins :) vive les paradoxes)
bon dimanche Mme l'examinatrice
C'est une belle expérience, c'est bien de consacrer du temps aux autres !
RépondreSupprimerc'est super que tu ne restes pas que "assistante sociale"! vouloir aider la relève, si je puis dire, c'est super !!! je t'encourage dans la voie que tu souhaite prendre !!!
RépondreSupprimerexerçant le même métier que toi (même si je ne travaille depuis des années pour garder mes loulous) je vis pleinement ce que tu racontes
RépondreSupprimerton investissement est enrichissant à la fois pour toi et les élèves que tu encadres, cela leur donnera une belle image de la profession!